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Hommage à Régis Ouvrier-Bonnaz par Bernard Prot


Cette note propose quelques repères centrés sur l’axe privilégié de liens entre travail et orientation, caractéristique du GRESHTO et du parcours de Régis Ouvrier-Bonnaz. Les contributions de chacun et chacune pourraient venir la préciser et la compléter au fil du temps (à adresser à jm.jeromemartin@gmail.com ou/et bernard.prot@lecnam.mel )


 

Après des études de psychologie à Lille 3, commencées en 1968, Régis Ouvrier-Bonnaz a exercé comme conseiller d’orientation psychologue à Sedan puis en région parisienne ; devenu directeur de Centre d’information et d’orientation (CIO), il a coordonné la mission « Valorisation des innovations pédagogiques » de l’académie de Créteil. Une telle expérience de l’exercice du métier de conseiller d’orientation-psychologue, associée à une connaissance précise des institutions scolaires et même de leur histoire, a constitué un ensemble de ressources de premier ordre lorsqu’il a rejoint l’INETOP, au CNAM, au début des années 2000.

À cette période, il a déjà engagé des contacts approfondis et des travaux originaux et fondateurs pour une information sur les métiers, par exemple en partant de la littérature et des médias pour aborder la connaissance du travail sur les élèves ; on en trouve une trace dans une publication, plus tardive, qui étudie la présentation des métiers dans les romans du 19ème siècle(Delahaye & Ouvrier-Bonnaz, 2012). La pratique de l’orientation s’y trouve ancrée dans les activités scolaires, en lien avec les disciplines.

C’est dans cette intention qu’il a développé une approche de la connaissance du travail en orientation (Ouvrier-Bonnaz, 1997) (Ouvrier-Bonnaz, 2000). Il s’est appuyé sur les recherches novatrices des années 1980-1990 en didactique de la technologie, à partir notamment des travaux de Jean-Louis Martinand, un domaine si important pour la culture générale des élèves aussi bien que pour leurs projets professionnels, aujourd’hui pourtant encore trop peu considéré dans les programmes scolaires.

À partir de son recrutement à l’INETOP, alors dirigé par Anne Lancry, il a enseigné notamment dans la formation des conseillers d’orientation-psychologues, qui durait deux années, en même temps qu’il a participé aux travaux du laboratoire de Psychologie de l’orientation dont Jean Guichard était responsable. Ce laboratoire s’est trouvé intégré, en 2007, au Centre de recherche sur le travail et le développement (CRTD)1.

On peut dire que cette réunion dans un même laboratoire d’équipes dédiées traditionnellement à l’analyse du travail en ergonomie et en psychologie du travail et à la psychologie de l’orientation n’a pas été artificielle pour Régis Ouvrier-Bonnaz ; elle est même devenue pour lui une véritable occasion de relier mieux encore, et sur plusieurs plans, l’approche de l’orientation scolaire et professionnelle et la connaissance des milieux de travail, à partir des nombreuses expériences et publications du laboratoire tournées vers l’analyse de situations concrètes, dans le contexte des transformations contemporaines, des problèmes nouveaux de santé au travail, et des importants débats scientifiques qui animent alors ce domaine.

Son implication dans les enseignements et ses dialogues nourris avec les chercheurs des différentes équipes ont permis de préciser et d’élargir ses travaux pour une didactique de l’orientation (Ouvrier-Bonnaz, 2008) ; il se trouve que la période était aussi celle d’une relance active de la Découverte professionnelle de la part du ministère de l’Éducation nationale à laquelle il a contribué à partir de ses nombreux contacts dans les CIO et les organisations de la profession et dans les académies ; ce travail mené avec Alain Crindal a donné lieu à la publication d’un Guide pour les enseignants, les conseillers d’orientation-psychologues et les formateurs qui est demeuré un classique du domaine (Crindal & Ouvrier-Bonnaz, 2006).

Ses ressources théoriques en didactique étaient fondées sur une culture piagétienne, notamment la thèse fondatrice de Hans Aëbli, et l’approche de la conceptualisation dans l’action par Gérard Vergnaud, ainsi que les propositions de la didactique professionnelle, initiée par Pierre Pastré et directement reliée à l’analyse du travail, en passant par la didactique de la technologie évoquée plus haut.

Dans tous les cas, l’accent est mis sur les outils, les techniques ou, en d’autres termes, sur l’usage des artefacts par les professionnels, mais aussi par les élèves en milieu scolaire : après tout une fiche métier de l’ONISEP, c’est un artefact ; sa « didactisation » et son « instrumentation », voire son « instrumentalisation » par les conseillers et par les élèves eux-mêmes, peuvent être objets d’une attention précise pour construire une situation collective en classe (Vérillon & Ouvrier-Bonnaz, 2007). Il faut dire que les travaux qui considèrent l’activité des élèves et des enseignants du points de vue de l’analyse du travail sont alors très rares(Lancry-Hoestlandt, 1989).

Pour autant, on peut considérer que c’est la tradition historique et culturelle qui est restée centrale dans les analyses et les méthodes que Régis Ouvrier-Bonnaz a proposées et en premier lieu la théorie psychologique d’Henri Wallon, qui est aussi très présente dans l’approche de la clinique de l’activité, initiée par Yves Clot, avec laquelle Régis Ouvrier-Bonnaz multiplie les occasions d’échange et de coopération dès ses premiers travaux, tout en découvrant attentivement la réception en France des publications de Vygotski. L’œuvre de Wallon sera à nouveau très présente à travers des recherches en archives lorsque, selon expression favorite, Régis « fera valoir ses droits à pension ». Il s’agit toujours de considérer l’orientation dans une perspective éducative qui considère qu’il est important de développer des connaissances sur le monde, et particulièrement sur le monde du travail, pour s’y orienter (Ouvrier-Bonnaz, 2010).

Dans cette perspective la fonction du collectif et celle des pratiques discursives dans la vie des groupes, au travail et aussi en classe, retient son attention.(Ouvrier-Bonnaz, 2003).

La connaissance concrète et personnelle qu’il acquiert auprès des chercheurs en ergonomie et en clinique de l’activité, au sein du CRTD, a été l’occasion de relier précisément ses propres objets de recherche, ainsi que ses cours auprès des professionnels du domaine de l’orientation, avec les méthodes les plus récentes, dans différents domaines comme le travail des cheffes d’équipe à la Poste(Ouvrier-Bonnaz et al., 2006), les métiers de services (Ouvrier-Bonnaz & Werthe, 2006) ou le travail des secrétaires en intérim (Prot et al., 2010), par exemples. Il avance sur ces bases des propositions plus générales à propos des transitions professionnelles(Ouvrier-Bonnaz & Reille-Baudrin, 2012) et à propos des dispositifs à construire pour exercer le métier de conseiller d’orientation(Ouvrier-Bonnaz, 2007).

Il va de soi que ce métier de conseiller d’orientation a une place particulière dans les travaux de Régis Ouvrier-Bonnaz. Il appelle ainsi par exemple à « réfléchir théoriquement et historiquement à la liaison entre éducation et orientation » et à « installer une communauté de travail à propos d’orientation dans l’école », pour « relancer le genre de la psychologie à l’école et l’occasion donnée aux personnels d’orientation de (re)prendre pied dans le débat sur les raisons de leur place dans l’école »(Ouvrier-Bonnaz, 2003). Ses nombreuses contributions aux échanges organisés par les associations ou syndicats de la profession étaient aussi appréciées parce qu’il les appuyait de plus en plus sur une connaissance précise de l’histoire de ce métier au début du 20ème siècle, tout en rappelant que cette histoire prend ses sources dans les contextes communs aux premières expériences méthodiques d’analyse du travail et au développement des institutions scolaires (Blanchard & Ouvrier-Bonnaz, 2018).

En 2007, à l’occasion de la constitution du CRTD, il décide de créer le Groupe de recherche et d’étude sur l’histoire du travail et de l’orientation (Greshto), avec des chercheurs eux-mêmes à la retraite mais encore actifs et parfois très impliqués dans les discussions collectives et les publications. On citera en particulier Jacques Leplat, sur l’histoire de l’analyse du travail, et aussi avec Marcel Turbiaux, sur l’histoire de la psychologie, qui mènera à bien avec Dominique Brendel le classement méthodique des archives de J.M. Lahy.

Ce groupe est transversal aux différentes équipes du Centre de recherche sur le travail et le développement (CRTD), il est animé de l’esprit des missions du CNAM : il vise à relier les questions sociales et les axes de recherche les plus actuels en les inscrivant dans l’étude des problèmes traités dans le passé, pour mieux définir les questions rencontrées aujourd’hui dans les rapports entre l’orientation et le travail.


Blanchard, S., & Ouvrier-Bonnaz, R. (2018). Connaissances du travail et orientation. Une histoire en débats. Octares. https://www.octares.com/telechargements-gratuits/236-connaissance-du-travail-et-orientation-une-histoire-en-debats.html

Crindal, A., & Ouvrier-Bonnaz, R. (2006). La découverte professionnelle : Guide pour les enseignants, les conseillers d’orientation-psychologues et les formateurs. Delagrave.

Delahaye, C., & Ouvrier-Bonnaz, R. (2012). Les représentations et l’apprentissage des métiers dans quelques romans pour la jeunesse au XIXème siècle. Cahier du CRILJ, 4.

Lancry-Hoestlandt, A. (1989). Perspectives temporelles et vie scolaire : Contribution à une approche psychosociale des notions temporelles dans une situation de travail scolaire. Paris 5.

Ouvrier-Bonnaz, R. (1997). Orientation, contenu d’enseignement, activité de l’élève : L’exemple de la technologie. Dialogue, supplément Orientation, 29.

Ouvrier-Bonnaz, R. (2000). Projet technique en technologie et projet personnel d’orientation : Mise en perspective critique pour penser la place du sujet en technologie. Skhole, Hors-série, 237‑247.

Ouvrier-Bonnaz, R. (2003). Quelques jalons historiques et théoriques pour installer une communauté de travail à propos d’orientation dans l’école. Perspectives documentaires en éducation, 60, 41‑48.

Ouvrier-Bonnaz, R. (2007). De l’orientation professionnelle à l’orientation scolaire : Des dispositifs à construire. Éducation Permanente, 171, 21‑30.

Ouvrier-Bonnaz, R. (2008). L’information sur les métiers. Une question didactique ? L’orientation scolaire et professionnelle, 37(2), 267‑288. https://journals.openedition.org/osp/1698

Ouvrier-Bonnaz, R. (2010). Culture, orientation et didactique : Quels concepts pour quelles activités en milieu scolaire ? Questions d’orientation, 3, 79‑89.

Ouvrier-Bonnaz, R., Prot, B., & Lancry-Hoestlandt, A. (2006). L’analyse de l’activité des chefs d’équipe : Une ressource pour le recrutement et la formation : Rapport d’étude à la mission recherche de la poste. Institut National d’Étude du Travail et d’Orientation.

Ouvrier-Bonnaz, R., & Reille-Baudrin, E. (2012). Entre vie quotidienne, école et monde du travail. Dans P. Curchod, P.-A. Doudin & L. Lafortune, Les transitions à l’école (p. 124‑147). Presses universitaires de Québec.

Ouvrier-Bonnaz, R., & Werthe, C. (2006). La référence au travail en classe de technologie : Un débat de métier. Activités, 03(3‑2). http://journals.openedition.org/activites/1325

Prot, B., Mezza, J., Ouvrier-Bonnaz, R., Reille-Baudrin, E., & Vérillon, P. (2010). Les dilemmes d’activité. Pour une approche clinique des correspondances entre travail et formation professionnelle. Recherche et formation, 63, 63‑76. https://doi.org/10.4000/rechercheformation.233

Vérillon, P., & Ouvrier-Bonnaz, R. (2007). Le document d’information sur les métiers : Un instrument au service de l’activité en situation d’orientation ? Éducation Permanente, 171, 73‑88.



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